- Mimoun Charqi - ANALYSE POLITIQUE ET JURIDIQUE -

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SIGNIFICATION DES SURETES PREVUES A L'OCCASION DE LA VENTE D'IMMEUBLE EN ETAT FUTUR D'ACHEVEMENT

SIGNIFICATION DES SURETES PREVUES A L'OCCASION DE LA VENTE D'IMMEUBLE EN ETAT FUTUR D'ACHEVEMENT[1]

 

Le Centre marocain des études juridiques (CMEJ) a bien voulu me faire l'honneur de me demander de m'exprimer sur les garanties prévues par le législateur à l'occasion de la loi N°44-00 consacrant la section IV, du chapitre III, du titre premier, du livre deux, du dahir formant code des obligations et contrats. Avec cette section IV, le législateur a souhaité mettre en place des règles et principes devant régir les rapports contractuels de vente ou pré vente entre le vendeur et l'acheteur au sujet d'un immeuble en cours de construction. Avant d'en venir à une lecture critique de ce que sont les sûretés prévues, il convient de s'interroger sur les raisons de telles garanties.

 

I. Le pourquoi des garanties dans le texte

Les intérêts entre les différentes parties en présence étant contradictoires, des obligations contraignantes sont nécessaires pour préserver leurs intérêts respectifs.

 

I.1. Les raisons du texte

Les contrats passés au sujet des immeubles futurs ou en cours de construction ont souvent donné lieu a des abus, au détriment des acheteurs ou des promoteurs selon les cas. Tantôt, l'acquéreur verse des sommes importantes au promoteur alors que le projet tarde à aboutir voire sans que le projet aboutisse. Les personnes non averties peuvent voir leurs intérêts souffrir en raison de l'absence de sérieux, de transparence, de correction et de règles précises fixant les conditions de telles transactions. C'est pour pallier aux vides, lacunes juridiques et risques pouvant être occasionnés ou subis lors des transactions, ici en question, que le législateur a souhaité mettre en place ces amendements.

 

II.2. Le caractère obligatoire du texte

Les conditions prévues par ce texte sont contraignantes, si l'on en croit le temps des verbes employé; il s'agit d'obligations et non de règles facultatives : "doit être effectuée", "doit constituer", … Mais à supposer que cela ne soit pas respecté, quelles en seraient les conséquences juridiques? Le texte prévoit à son article 618-3 que le contrat préliminaire doit, sous peine de nullité, être dressé par un professionnel légal et agrée. Ce qui suppose que ce dernier est responsable et doit veiller à ce que les conditions prévues par la loi soient toutes réunies et respectées.

 

II.3. La préservation des intérêts des parties

Les droits et obligations de chacune des parties en présence doivent être précisées dans le contrat préliminaire : l'objet de la vente, le prix, les échéances et délais, le titre de propriété, les servitudes et droits réels, l'autorisation de construire, le plan d'architecture, le plan béton armé, le cahier des charges,… Ce texte intervient pour préserver les droits de chacune des parties en présence et contribuer à plus de confiance à l'occasion pour la promotion des transactions immobilières.

 

II. Lecture critique des garanties prévues par le texte

Des garanties diverses ont été prévues mais le sens de leurs valeurs, portées et significations ne semble pas évident.

 

II.1. Les garanties prévues

Parmi les garanties prévues par ce texte figurent la "caution bancaire", "toute autre caution similaire", toute autre caution?", "une assurance", voire "une prénotation". [Ce dernier point devant être traité cet après midi ne sera pas abordé ici].

 

II.2.  La portée des garanties

Quel est l'intérêt de telles garanties? Quelles sont les significations de ces sûretés? L'article 618-3 est beaucoup plus large dans son expression que l'article 618-9. Le premier fait mention de "caution bancaire ou toute autre caution ou assurance le cas échéant", tandis que le second parle de la constitution d'une "caution bancaire ou toute autre caution similaire et, le cas échéant, une assurance". Ce sont ces dernières dispositions qui semblent devoir être retenues de façon à "permettre à l'acquéreur de récupérer les versements en cas de non application du contrat". Mais si la signification de ce qu'est une caution bancaire est claire, par contre cela l'est un peu moins quant le texte parle de "toute autre caution similaire". [Il convient de noter que les dispositions de l'article 618-9 ne concernent pas "les établissements publics et les sociétés dont le capital est détenu en totalité par l'Etat ou toute personne morale de droit public"; ce qui ne s'explique pas, car bien souvent l'entité publique failli à ses obligations].

 

II.3. La caution similaire

Les cautions peuvent être répertoriées selon deux grandes catégories : les cautions des personnes morales, (principalement les banques) et  les cautions personnelles. Le législateur aurait pu parler du cautionnement et de la caution de façon générale, ce qu'il n'a pas fait. Il nous parle de caution bancaire et de caution similaire. La caution personnelle est-elle une caution similaire à la caution bancaire? Du point de vue juridique assurément non. Qu'a voulu dire dès lors le législateur quant-il parle de caution similaire? Veut-il dire une caution d'une valeur similaire à celle d'une caution bancaire? D'une nature juridique similaire à celle d'une caution bancaire? D'une valeur juridique similaire? A moins qu'il ne soit fait référence à des fonds de garanties gérés par des organismes qui se porteraient ainsi caution vis-à-vis de l'acquéreur. Ainsi selon que l'on retienne une interprétation du texte au sens large ou restreint la signification en change. Probablement qu'au delà de la rédaction du texte lui même, il faudrait s'interroger sur ce que le législateur a voulu, sur le but recherché.

 

Si le législateur souhaite faire entendre par "toute autre caution similaire", toute autre caution qu'elle soit personnelle, avec affectation hypothécaire ou de nantissement ou qu'elle soit le cas d'une personne morale du moment où elle a valeur certaine et à priori va permettre à l'acquéreur de faire valoir ses droits, dans ce cas le sens large pourrait être retenu.

 

II.4. La valeur de la caution bancaire

La caution bancaire est une garantie, à priori sure, qui pourra permettre à l'acquéreur de recouvrer ses versements en cas de problème, à moins que la rédaction de cette caution par la banque ne la vide de sa substance. Force est néanmoins de préciser que l'existence d'une caution bancaire n'entraîne pas toujours le paiement automatique et rapide du bénéficiaire. Si le législateur veut que l'acquéreur voit ses intérêts préservés, n'aurait-il pas mieux valu prévoir une caution à première demande, voire une garantie à première demande? Des modèles types?

 

II.5. L'assurance

L'assurance, elle, ne semble pas automatique : "le cas échéant" nous dit le texte. De quel type d'assurance s'agit-il là encore? Assurance vie-décés-invalidité du vendeur? Assurance incendie-inondation de l'immeuble? Assurance garantie décennale? (Avec subrogation d'assurance au profit de l'acquéreur) Le texte ne le précise pas.

 

Considérations finales

Quoi qu'il en soit, si ces garanties semblent conforter les intérêts et droits des acquéreurs, et par là même les encourager à s'engager dans des transactions portant sur des immeubles en cours de constructions, gageant que cela risque de donner lieu à des contestations chaque fois que le promoteur vendeur sera défaillant vis-à-vis de l'acquéreur. C'est certes, à première vue, un gage de bonne fin de la construction, conformément aux dispositions du cahier des charges et du contrat préliminaire, mais tel que cela se présente cela ne suffit pas pour que l'acquéreur puisse rapidement et aisément recouvrer le montant des sommes qu'il aurait versées.

 

Par ailleurs, cela suppose que les promoteurs vendeurs aient des lignes de crédit par signature à leur disposition auprès de leurs banques. De même qu'ils devront pour l'obtention de ces lignes de crédit déposer eux mêmes des garanties suffisantes et qu'ils devront payer des commissions et intérêts pour les cautions bancaires qui leur seront accordées.



[1] Communication au colloque organisé par le centre marocain des études juridiques, à Rabat, Hôtel de la Tour Hassan, le../../.., sur le thème : « …….. ».



26/05/2010
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