- Mimoun Charqi - ANALYSE POLITIQUE ET JURIDIQUE -

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LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME ENTRE DROITS INTERNES ET DROIT INTERNATIONAL[1]

LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME ENTRE DROITS INTERNES 

ET DROIT INTERNATIONAL[1]

 

                                   Mimoun CHARQI

                                                     https://charqi.blog4ever.com

 

 

Le recours à la violence et à l’usage des armes, explosifs et autres n’est plus depuis longtemps du monopole des Etats. Les groupes et individus eux même y recourent. La recrudescence des actions terroristes semble avoir atteint de nos jours des pics sans pareils. La notion de « terrorisme » et de « crime terroriste » n’est pas nouvelle et les Etats depuis longtemps, aussi bien à l’échelle des droits internes que du droit international, ont essayé d’y apporter des réponses légales. La définition même du concept de terrorisme[2]n’a pas été sans difficultés. La distinction, entre terrorisme de droit commun, terrorisme politique, résistance, terrorisme individuel ou de groupes et terrorisme d’Etat ou orchestré dans l’ombre par l’Etat, terrorisme national ou transnational et autres, rajoute à la complexité de la chose.

 

Le dilemme, au sujet de la lutte contre le terrorisme, est celui de l’équilibre entre les actions et mesures engagées, dans la lutte contre le terrorisme, d’une part, pour protéger les personnes et les biens et, d’autre part, pour le respect du droit d’une façon générale, en particulier le droit international des droits de l’homme, et les droits de l’homme.

 

Le précepte est que rien ne saurait justifier les atteintes aux droits de l’homme, au motif de la lutte contre le terrorisme, de la sécurité nationale ou internationale... Pourtant, bien des Etats parmi les plus puissants même, ont souvent laissé de côté ce précepte. Or, l’Etat de droit ne peut légitimement verser dans l’illégalité ; autrement, il perd ainsi toute crédibilité. Avant d’aborder la question du dilemme, voyons ce qu’il en est du cadre légal général de la lutte contre le terrorisme.

 

I. Le cadre légal de la lutte contre le terrorisme

 

La particularité du terrorisme contemporain est qu’il revêt, de plus en plus, des ramifications internationales voire transnationales. Ce n’est pas sans raison, si à l’échelle universelle, la communauté internationale s’est efforcée de cerner la question du terrorisme. Le cadre normatif pour la lutte contre le terrorisme n’a eu cesse d’évoluer. Divers mécanismes et instruments internationaux conventionnels universels ou régionaux ont été adoptés. Il en découle des obligations à la charge des Etats. L’obligation d’incriminer les actes et actions figurant dans les conventions internationales et leurs protocoles, ainsi que l’obligation de prévoir dans le droit interne des peines quant aux actes terroristes tels que définis par le droit international.

 

  1. Le cadre légal international de la lutte contre le terrorisme

Le terrorisme pose un problème non seulement de sécurité nationale, mais aussi internationale. Le Conseil de sécurité des Nations Unies, en tant qu’organe chargé de la sécurité internationale et des menaces contre la paix, s’est chargé bien après l’Assemblée Générale (1972) de la question.

 

Durant la guerre froide, le Conseil de sécurité n’a pas pu se mettre d’accord pour considérer le terrorisme comme une menace contre la paix et la sécurité internationale. Avec la fin de la guerre froide, le Conseil de sécurité traite les situations au cas par cas (affaire de Lockerbie, 1992, affaire du Soudan (1996) et affaire des Talibans de 1998) et un tournant décisif apparaît dès septembre 2001. Puisque dans la foulée des attentats, soit le 12 septembre 2001, le Conseil de sécurité adopte, à l’unanimité la résolution 1368 (2001) qui reconnaît « tout acte de terrorisme international comme une menace contre la paix et la sécurité internationales».

 

La coopération judiciaire apparaît comme l’une des voies importantes des Etats dans la lutte contre le terrorisme, certains Etats ont quant à eux choisi la voie militaire pour la lutte contre le terrorisme.

 

La lutte contre le terrorisme passe nécessairement par la lutte contre le financement, l’asile, les appuis actifs ou passifs, ...

Le Conseil de sécurité s’est substitué, suite aux événements du 11 septembre 2001, aux prérogatives et attributions classiques de l’Assemblée Générale des Nations Unies.

 

La lutte contre le terrorisme devient une obligation internationale, de surcroît encadrée par des institutions internationales telles que le Conseil de sécurité des Nations unies, le Comité 1267, le Comité contre-terrorisme et le Comité 1540.

 

La résolution 1566 (2004) octobre  2004 va, en effet, plus loin que les résolutions 1373 (2001) et 1540 (2004), car le Conseil de sécurité y rappelle que « les actes criminels, notamment ceux dirigés contre les civils dans l’intention de causer la mort ou de blessures graves (...) qui sont visés et érigés en infractions dans les conventions et protocoles internationaux relatifs au terrorisme, ne sauraient en aucune circonstance être justifiés par des motifs de nature politique, philosophique, idéologique (...)».

 

         - Le Comité 1267 (comité des sanctions contre Al Qaïda et les Talibans) est composé par les états membres du Conseil de sécurité ; ce Comité tient une liste actualisée des individus et organisations liées à Al Qaïda, les talibans et Ben Laden.

 

         - Le Comité contre le terrorisme[résolution CS1373 (2001)], veille au suivi, au dialogue et à la coopération, assistance et coopération pour les mesures à la charge des Etats, dans leurs législations internes, au regard de cette même résolution.

 

         - Le Comité 1540 [(résolution CS 1540  (2004)  du 28  avril  2004)] a pour objet la prévention  du  risque d’utilisation d’armes de destruction massive par des acteurs non étatiques, en particulier par des groupes terroristes.

 

 2. Le cadre légal national de la lutte contre le terrorisme

C’est sous l’impulsion du Conseil de sécurité que les Etats se retrouvent obligés de revoir leurs ordres juridiques internes de façon à les adapter à la lutte contre le terrorisme. Le Maroc à l’instar de nombreux pays a revu sa législation et deux textes importants qui au demeurant se complètent ont été adoptés : la loi sur le blanchiment de capitaux et la loi sur la lutte contre le terrorisme[3].

 

 

Les Etats sont tenus au regard du droit international d’une double obligation :

         - l’obligation de diligence ou de vigilance, de ne rien faire qui pourrait favoriser ou promouvoir des actes terroristes ou les tolérer à l’encontre d’un autre Etat[4];

         - l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher et décourager sur son territoire des activités terroristes contre un autre Etat. 

 

Il est évident, que tous les Etats ne se soucient pas du respect de ces interdictions et obligations pourtant confirmées et réaffirmées.

 

II. Le dilemme de la lutte contre le terrorisme

Les institutions internationales ainsi que les Etats ne s’accordent pas tous sur la question du terrorisme et le problème est celui de la conciliation entre le respect des droits humains et la lutte contre le terrorisme.

 

1. Une pluralité de perceptions et de mesures à, l’égard du terrorisme

A l’échelle de la « communauté internationale », les perceptions et mesures des Etats envers le terrorisme sont diverses. Les perceptions nationales du terrorisme ne sont pas non plus uniformes et homogènes. Les intérêts en jeu y sont pour beaucoup. Les critères de désignation des listes d’individus ou organisations dites terroristes ne sont pas identiques. Les critères de l’ONU et de sa liste récapitulative[5], les critères de l’Union européenne, ceux de l’OCDE[6], ceux des Etats-Unis avec la liste d’exclusion des organisations terroristes[7].

 

Les modalités de traitement de la question terroriste ne sont pas non plus identiques ; négociation avec les terroristes ou passivité, criminalisation par la voie pénale ou guerre contre le terrorisme par la voie militaire, comme c’est le cas récemment avec la réponse aux évènements d’In Amenas[8].

 

La difficulté est celle d’une solution globale, uniforme et homogène en tant que réponse à la question du terrorisme. 

 

Avec la résolution 1373 du Conseil de sécurité, outre diverses autres conventions, trois grandes obligations sont mises à la charge des Etats :   

         - ne pas accorder d’asile aux terroristes ;

         - ne pas accorder le statut de réfugiés aux terroristes ;

         - contrôler les frontières.

 

2. La difficulté de la conciliation entre le respect des droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme

 

La lutte contre le terrorisme, ne doit pas être un prétexte pour les violations des droits de l’homme, du droit international des droits de l’homme, de la présomption d’innocence, de l’interdiction de la torture, du respect du droit à la vie, de la prévention démesurée... Les mesures devant être prises par la Etats au titre de la prévention doivent rester raisonnables « s’efforcer de prendre les mesures raisonnables en vue de prévenir les infractions » Article 10, paragraphe 1 de la convention de Montréal de 1971.

 

Le problème est celui de l’équilibre entre la lutte contre le terrorisme, la protection de la sécurité des personnes et des biens et le respect des droits de l’homme...

 

Suite aux attentats du 11 septembre 2001, plusieurs Etats ont adopté dans la précipitation des mesures législatives considérées comme une menace grave pour les droits humains. Des mesures répressives aux antipodes des droits de l’homme. Le plein respect des droits humains pour tout un chacun, quel qu’il soit, est primordial.... La véritable sécurité réside dans le respect des droits...

 

Les restrictions éventuelles à certains droits, ne peuvent être que de par la loi, exceptionnelles et limitées dans le temps : liberté de circulation et de résidence, liberté de la presse, liberté d’expression et de réunion, secret de la correspondance... Outre les restrictions, les instruments internationaux de protection des droits de l’homme prévoient la possibilité de dérogation. Toutefois, il ne peut être dérogé à certains droits : traitements inhumains, cruel, dégradants, torture, droit à la vie... 

 

Considérations finales

La réponse au terrorisme, quel qu’il soit, ne saurait être cantonnée et limitée aux mesures législatives, policières, judiciaires, répressives... Le développement, l’aide au développement, l’éducation, sont essentiels pour lutter contre le terreau social du terrorisme. Il n’y a pas de sécurité sans développement, comme il n’y a pas de développement sans sécurité.

 

La lutte contre les discriminations, les injustices, l’exclusion, la marginalisation, le sous-développement, l’ignorance, la précarité économique et sociale participe au plus haut niveau à titre préventif dans la lutte contre le terrorisme.

 

Notons que les Etats, eux-mêmes, ne sont pas toujours au-dessus de tous soupçons. La théorie de la gestion par le chaos fait qu’il arrive que certains Etats se retrouvent être à l’origine de crises et problèmes pour légitimer des interventions militaires. Toute une doctrine a été écrite sur la question avec des témoignages au sujet de la manipulation et de la responsabilité de certains Etats dans des attentats, dans la formation de groupes... Or, l’Etat soucieux du droit ne peut se permettre d’agir en dehors, ni en violation de la légalité.

 

La torture, les peines et traitements inhumains ou dégradants sont hors la loi et ne peuvent être justifiés au motif de la lutte contre la torture. Les intérêts de la sécurité nationale dans un Etat donné ne peuvent être opposés, en droit, aux normes impératives. La partition de la « sécurité nationale » ne peut être jouée contre les droits de l’homme. L’interdiction est absolue. Or le droit à l’intégrité physique et le droit à la vie ont souvent été ignorés par les Etats. Ainsi, la démocratie se doit d’être consolidée et réaffirmée, notamment dans la lutte contre le terrorisme.

 

In fine, dès lors qu’il y a des victimes se pose la question de leur indemnisation. L’Etat a l’obligation d’assurer la protection des personnes et des biens et de faire respecter le droit et d’agir légalement. L’Etat peut être tenu pour responsable, suite à la défaillance de ses agents et services. Certains Etats ont prévu des fonds pour l’indemnisation des victimes du terrorisme et de leurs ayants droits. Le phénomène du recours au terrorisme n’est pas prêt de disparaître. C’est la raison pour laquelle il est recommandable de mettre en place une entité ad hoc chargée de penser une véritable stratégie de lutte contre le terrorisme aussi bien en amont qu’en aval, dans le respect des droits de l’homme, avec plan et programmes d’actions précis.

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]Communication à la conférence organisée par l’OMDH sur « Les crimes terroristes et les droits de l’homme ». 5 mai 2013. Hôtel Golden Tulip Farah. Casablanca.

[2]Selon le Larousse, le terrorisme est un « Ensemble d’actes de violence (attentats, prises d’otages, etc.) commis par une organisation pour créer un climat d’insécurité, pour exercer un chantage sur un gouvernement, pour satisfaire une haine à l’égard d’une communauté, d’un pays, d’un système ». Marco Sassòli, avec la collaboration de Lindy Rouillard. « La définition du terrorisme et le droit international humanitaire ». Article in, Revue québécoise de droit international (Hors série). (2007). Pages 29 à 48. Les éléments bloquants pour la définition de la notion de terrorisme tiennent à la distinction entre « terrorisme » et « résistance ». 

[3]Bulletin officiel n° 5114, du 05 juin 2003. Dahir n° 1-03-140 du 26 rabii I 1424 (28 mai 2003) portant promulgation de la loi n° 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme. Bulletin officiel n° 5522, du 3 mai 2007.Dahir n° 1-07-79 du 28 rabii I 1428 (17 avril 2007) portant promulgation de la loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Mimoun CHARQI«La lutte contre le blanchiment de capitaux au Maroc ». In https://charqi.blog4ever.com

Faut-il préciser que ces textes pris dans la précipitation gagneraient à être repris ?

[4]«Chaque Etat a le devoir de s’abstenir d’organiser et d’encourager des actes de guerre civile ou des actes de terrorisme sur le territoire d’un autre Etat, d’y aider ou d’y  participer ou de tolérer sur son territoire des activités organisées en vue de perpétrer de tels  actes, lorsque les actes mentionnés dans le présent paragraphe impliquent une menace ou un emploi de la force». A/Res. 2625(XXV), premier principe, paragraphe 9.

« Tous les Etats doivent aussi s’abstenir d’organiser, d’aider, de fomenter, de financer, d’encourager ou de tolérer des activités armées subversives ou terroristes destinées à changer par la violence le régime d’un autre Etat (...)». 3èmeprincipe, paragraphe 2.

[5]www.un.org/News/fr-press/docs/2012/CS10816.doc.htm

[6]http://www.oecd.org/fr/finances/assurances/34065616.pdf

[7]L'article 411 de la loi "USA PATRIOT" de 2001 (8 U.S.C. § 1182) habilite le secrétaire d'Etat américain à désigner, après consultation du ministre de la justice ou à sa demande, les organisations terroristes aux fins de l'immigration et à les inscrire sur la liste d'exclusion des organisations terroristes (TEL). Une telle désignation permet d'interdire aux étrangers ayant des relations avec les organisations figurant sur cette liste d'entrer aux Etats-Unis.

[8]Voir aussi les attentats de 1999, en Russie. www.geopolintel.fr/article236.html



13/12/2021
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