- Mimoun Charqi - ANALYSE POLITIQUE ET JURIDIQUE -

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IGHZAR EN’OUCHEN & LA QUESTION DE L’AUTONOMIE : LA SOLUTION DES AUTONOMIES POUR UN MAROC MEILLEUR

En ce jour, où se commémore le centenaire de la bataille d'Ighzar En' Ouchen, (El baranco del lobo), on peut se demander le rapport qu'il peut y avoir entre l'épopée de la bataille d'Ighzar En' Ouchen et le thème de cette rencontre à savoir la question des autonomies au Maroc ? Les gens connaissent, généralement, le désastre subit par l'armée espagnole à Annoual, en 1921, mais moins bien ce qui s'est passé au « ravin du loup », en 1909.

Le revers, le désastre militaire que firent subir à l'armée coloniale espagnole les tribus Gueliya, sous la conduite de Chrif Mohamed Ameziane, en 1909, est encore plus grave que celui d'Annoual. Les guerres de résistance à l'occupation, dans le Rif et ailleurs au Maroc, se sont faite de façon entièrement autonome par les tribus, souvent sous forme de regroupement en confédérations.

Certes, il était possible de se souvenir de ce centenaire par l'organisation d'une rencontre d'histoire... Mais, toujours est-il, et nous allons nous en rendre compte, que la relation est évidente entre, d'une part, les motifs de la lutte contre l'occupant espagnol, afin de recouvrer la liberté et par la même la libre administration des affaires locales, par les différentes tribus, avec, d'autre part, ce qui aujourd'hui se présente avec « l'autonomie des régions » ou « régionalisation avancée ».

Dans le Maroc d'avant les protectorats, en l'occurrence l'Empire chérifien marocain, l'autonomie des tribus s'apparente à ce que d'aucuns ont pu désigner par le Bled Siba, qui au demeurant n'avait rien à voir avec l'anarchie. Mohamed Abdelkrim El Khattabi, avec sa République des tribus confédérées du Rif se voit proposer par les espagnols l'autonomie pour le Grand Rif sous la tutelle espagnole, avec l'assentiment du Sultan...

Les peuples, anciennement colonisés, continuent de souffrir les séquelles, conflits et difficultés laissées par les puissances colonisatrices avec les décolonisations. L'Empire chérifien marocain, qui allait depuis la méditerranée jusqu'aux delà des confins Sud de l'actuelle Mauritanie, vers l'oued Noun, s'est retrouvé dépecé et devoir gérer des problèmes d'autorité, de légitimité, de souveraineté…

Ainsi, on peut aisément se rendre compte qu'il y bien un lien fort évident entre la commémoration du centenaire d'Ighzar En' Ouchen et le thème de la rencontre d'aujourd'hui. Aujourd'hui, le Maroc, à l'instar de chacun des pays de Tamazgha, se trouve devoir faire face à des enjeux et défis importants. Il s'agit de pouvoir assurer à tous les marocains, effectivement, le principe de l'égalité et une vie décente pour tous. Cela ne peut se faire sans la démocratie ; or, la démocratie ne peut être réduite à un slogan creux, un simple mot,… Les disparités et déséquilibres entre les régions, et partant entre les individus, sont devenues inquiétantes, avec tout ce qui s'en suit comme conséquences : exclusion, pauvreté, marginalisation, criminalité,… La clé du succès, le secret, si secret il y a, pour sortir le pays des méandres du sous-développement reste la démocratie. Et la démocratie s'identifie avec « l'autonomie des régions » ou encore ce que d'aucuns appellent aussi « la régionalisation avancée ». Ce n'est pas sans raison si, de son temps, déjà, feu Hassan II, avait à plusieurs fois exprimé son admiration pour les Landers allemands, ce n'est pas sans raison non plus, si le souverain Mohamed VI est séduit par le système des autonomies, déconcentrations et régionalisations. Mais, si au plus haut niveau, l'autorité est convaincue de l'intérêt du système des autonomies et régionalisations avancées, et il n'y a pour cela qu'à se référer aux discours royaux, cela ne semble pas arranger tout le monde et en particulier ceux qui s'accrochent à leurs privilèges et rentes.

La question qu'il convient de se poser c'est pourquoi l'autonomie ? Et, partant, comment ? Est ce que c'est faisable, dans quel but ?… De prime abord, il convient de préciser, (de faire remarquer), comme je le disais au début, qu'il ne s'agit pas là d'une question somme toute nouvelle pour le Maroc. Certes, elle fait, aujourd'hui, l'actualité, notamment internationale, en particulier avec l'affaire du Sahara, mais pas seulement. Depuis que la question fait l'objet du débat, d'aucuns, qui bien intentionnés, qui mal intentionnés, qui par patriotisme, qui par intérêt, qui naïvement, qui manipulé, interviennent sur la question et se prononcent pour ou contre un concept pas toujours maîtrisé par tous. C'est pourquoi, je vous propose de développer un certain nombre de points et d'idées à titre d'introduction au débat. Ainsi, de prime abord, il convient d'esquisser une définition de ce qu'est l'autonomie et de ce qu'elle n'est pas, afin que chacun sache de quoi l'on parle.

1. Qu'est que l'autonomie ?

L'autonomie, des régions s'entend, est un instrument juridique et politique qui permet aux populations concernées de gérer leurs affaires selon les voies démocratiques. Des pouvoirs, exercés, jusque là par un système centralisé, sont dévolus aux régions. Sur un autre plan, on peut dire que la personne morale, la région ici, qui dispose de l'autonomie, est comparable à la personne physique dotée de capacité juridique, tandis que les régions non autonomes et astreintes aux contraintes du centralisme sont assimilées aux personnes incapables, ayant besoin d'un tuteur pour leurs actes. La région non autonome peut être aussi assimilées à un handicapé ayant besoin d'une tierce personne pour sa vie de tous les jours.

L'autonomie permet dès lors une libéralisation, une responsabilisation, qui in fine sert tous et chacun. Bien sûr, il n'y a pas un seul modèle d'autonomie ou de régionalisation mais plusieurs. Cela dépend de ce l'on veut y mettre et comment. Mais c'est déjà là une question technique, juridique et politique.

Avec l'initiative du Maroc pour la région autonome du Sahara, nous avons un exemple type de modèle sur lequel le travail pourrait se faire et qui pourrait servir, à échéance, le moment venu, pour l'ensemble du pays et pourquoi pas pour l'ensemble de Tamazgha.

Le discours du souverain, en 2007, précisait que le projet de statut d'autonomie, «comme solution consensuelle » était « réservé exclusivement» aux provinces du Sud marocain. Mais, auparavant, le souverain prenait bien le soin de préciser que l'ensemble du pays se verrait attribuer un nouveau statut pour les régions. Avec en prime, « la consolidation du processus de déconcentration et de régionalisation graduelle, évolutive et solidaire », avec un « nouveau découpage territorial et des compétences élargies ». Il faut noter que le Souverain s'inscrit dans une option de Roi citoyen, d'une monarchie citoyenne, engagés dans une option démocratique participative moderne, triangulaire avec : 1. La consolidation des réformes structurelles menées à terme. 2. L'accélération de celles en cours, et surtout. 3. L'engagement de nouvelles réformes. Cela signifie que rien n'est figé, que tout est progressif et évolutif. Les « avis sont respectés, s'agissant de la gestion des affaires publiques, y compris les questions déterminantes pour la nation, et ce, dans le cadre de la primauté de la loi et de l'Etat des institutions ». (Sic). Par ailleurs, la « crise de la pensée » est fustigée. Ce qui fait souvent défaut, au Maroc, ce sont des think tank, des centres de réflexion, d'études et d'analyses, de prospective, qui sont à même de réfléchir sur les difficultés et contraintes du pays et de proposer des outils, des instruments, des scénarios,… Une année plus tard, le discours du souverain de l'été 2008 est venu consolider le principe de l'autonomie des régions pour l'ensemble du territoire national. Une commission est prévue qui doit travailler sur la question. Il est important que les différentes personnes et institutions intéressées y participent Notons que, le principe de l'autonomie se trouve être en relation directe avec les droits.

2. L'autonomie et le droit

Quelles relations y a-t-il entre l'autonomie et le droit ? Les Etats démocratiques ont bien compris, depuis longtemps, l'intérêt de l'autonomie, non seulement l'intérêt en terme de droits économiques, sociaux et culturel, mais aussi, en terme de droits civils et politiques.

La libéralisation des énergies humaines passe par la responsabilisation des concernés. En droit international public figurent plusieurs principes essentiels qui confortent le principe de l'autonomie des peuples et populations. Ces principes ont souvent été galvaudés et utilisés, à tors et à travers, ici et là. Il s'agit du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et du droit des peuples à l'autodétermination. J'ai déjà eu l'occasion d'écrire que l'autonomie est le stade suprême du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et du droit des peuples à la libre et authentique autodétermination. Les nations unies, ont déjà eu l'occasion de préférer l'autonomie sur l'indépendance. Les indépendances des pays anciennement colonisés, d'une façon générale, sont loin d'avoir apportées aux peuples et populations concernées l'autonomie, le libre exercice des droits démocratiques, etc. Le droit international condamne fermement les sécessions indépendantistes, tandis qu'il encourage la libre et authentique autodétermination, l'autonomie,… Bien sur, on ne peut parler de la question des autonomies, sans s'arrêter sur le cas du Sahara.

3. L'autonomie et le Sahara

Dans le cas du Sahara occidental marocain, le projet d'autonomie que le Maroc souhaite mettre en place peut sembler, à priori, être une proposition, une simple proposition de solution politique à un problème politique qui dure depuis plus de trois décennies. Mais en réalité, il faut y voir bien plus que cela.

Le Maroc ne songe pas à l'autonomie seulement pour régler un problème politique attisé par l'Etat algérien, mais parce que l'autonomie est la solution pour que la future région autonome du Sahara sorte de ses difficultés économiques, sociales et autres.

Les négociations autour du dossier du Sahara, sous la houlette des Nations Unies devraient pouvoir aboutir, sauf mauvaise foi, à la solution d'un conflit fratricide qui n'a que trop duré. Il va de soi que la solution de la libre et authentique autodétermination, prônée par le Maroc, via la Région autonome du Sahara n'est pas pour plaire à tout ceux qui ont intérêt à ce que le conflit perdure. Supposons, dès lors, que les négociations n'aboutissent pas. Que devrait faire le Maroc, si ce n'est prendre les devant et, sans tarder, en tant qu’État souverain, décider de l'option de l'autonomie des régions. A l'évidence, cela ne peut que renforcer la souveraineté, l'unité, l'intégrité et la solidarité du Royaume. Cela suppose bien sûr de la vulgarisation et un référendum le moment venu. La prise de conscience de l'intérêt de l'option des autonomies commence à faire son chemin.

4. L'option des autonomies et régionalisations élargies

Nombre de voix, d'association, et d'institution politiques et autres se prononcent pour le développement de la Régionalisation, pour l'autonomie des régions au Maroc. C'est le cas dans le grand Rif, c'est aussi le cas dans le grand Souss,… Notons, au passage, que seul un parti politique marocain, avait clairement inscrit dans ses statuts le principe de l'autonomie et agit pour le système des autonomies et régionalisations avancées en saisissant l'intérêt, l'ampleur de l'utilité et le sens de l'autonomie et les régionalisation élargies et avancées pour l'avenir du Maroc. Aujourd'hui, même les indécis d'hier semblent changer d'avis. Les raisons qui peuvent motiver le choix de l'option des autonomies sont nombreuses.

5. L'autonomie des régions pourquoi ?

     - Parce que l’État centralisé a montré ses limites, car les différentes régions du pays ne sont pas au même niveau de croissance économique et de développement. Bien des régions ont été tout simplement délaissées, marginalisées, exclues depuis l'indépendance politique du pays, comme c'est le cas du Rif, en dépit de ses potentialités.

     - Parce que les expériences des pays qui ont choisi le modèle de l'autonomie, ou de la régionalisation avancée et élargie, militent, en raison de leurs résultats, pour ce type de gouvernance.

     - Parce que l'autonomie est le seul système à même de responsabiliser les populations concernées, de réaliser les principes de la démocratie économique, sociale et participative, d'assurer la libre détermination des populations concernées…

     - Parce que, historiquement, le Maroc d'avant le protectorat était un Etat fédéral où les tribus étaient entièrement libres et autonomes dans l'administration et la gestion de leurs affaires. Une personne, dont je ne saurai ici citer le nom, a eu l'occasion d'affirmer par voie de presse « qu'il n'y a aucune bases historiques à l'autonomie dans le Rif ». Alors même que l'histoire de l'Empire chérifien marocain prouve tout le contraire.

     - Parce que la mise en concurrence des régions entre elles est positive pour aller de l'avant et sortir du sous-développement.

     - Etc.

D'aucuns ne manquent pas de poser la question de la viabilité de l'autonomie et de la régionalisation élargie et avancée.

6. L'autonomie est-elle viable ?

Que ce soit au Sahara ou ailleurs, non seulement elle est viable, mais de surcroît c'est la seule voie, la solution, pour relever les challenges et sortir le pays de la marginalisation, de l'enclavement, de l'exclusion, du sous développement,… D'aucuns ont été jusqu'à écrire que l'autonomie dans le Rif n'était pas possible tout simplement car le Rif était pauvre, marginalisé et exclu des politiques de développement.

Pourquoi, précisément, le Rif ainsi que bien d'autres régions sont elles pauvres et ont elles été exclues du développement ? Cela est dû, notamment, au centralisme étatique. Le Rif ne manque pas de richesses, de potentialités, de ressources humaines, d'élites,… L'autonomie est à même de permettre un décollage économique à l'instar des régions autonomes européennes. Il faut en être convaincu, mais cela ne suffit pas, il faut aussi en convaincre et en être méritant en montrant ses capacités et ses responsabilités.

Le projet de statut d'autonomie pour les provinces marocaine du Sud est une initiative historique pilote qui demain pourra servir d'exemple non seulement pour l'ensemble du Maroc, mais aussi pour l'ensemble de Tamazgha. C'est pourquoi, une large mobilisation doit se faire pour vulgariser et faire prendre conscience de l'intérêt et de l'utilité de l'initiative marocaine.

Mode de citation. Mimoun CHARQI "IGHZAR EN'OUCHEN & LA QUESTION DE L'AUTONOMIE : LA SOLUTION DES AUTONOMIES POUR UN MAROC MEILLEUR" http://CHARQI.blog4ever.com



07/05/2010
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