- Mimoun Charqi - ANALYSE POLITIQUE ET JURIDIQUE -

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BILAN ET PERSPECTIVES DU MAROC, APRES 50 ANNEES D'INDEPENDANCE POLITIQUE

BILAN ET PERSPECTIVES DU MAROC, APRES 50 ANNEES D'INDEPENDANCE POLITIQUE[1]

Pour qui veut connaître, au jour d'aujourd'hui, le bilan de ce qu'a été la gestion des 50 dernières années du Maroc indépendant, deux travaux importants sont incontournables : celui de l'IER (Instance Équité et Réconciliation) et celui du Groupe du cinquantenaire (RDH50). Mais, pour aussi importants qu'ils soient, ces travaux comportent des imperfections. Cet article se propose d'examiner le bilan de ces 50 dernières années à travers, d'une part, les jugements de vérités et/ou de valeurs ressortant de la lecture des travaux précités et, d'autre part, les lacunes de ce même bilan, avant d'en venir, au titre des considérations finales, aux perspectives éventuelles d'avenir. Notons qu'il ne s'agit pas tant de rapporter tout ce qui a été dit dans ces travaux que de rebondir sur tel ou tel aspect ou développements.

I. ENTRE JUGEMENTS DE VALEURS ET JUGEMENTS DE VERITÉS 

I. 1. Une évaluation contestée et mitigée des rapports de l'IER et du cinquantenaire 

Un demi siècle après l'indépendance politique du pays, le débat est ouvert sur les réalisations et manquements de l'État et de ses institutions, au Maroc. Un groupe de travail s'est réuni qui, après deux années, a produit un rapport-bilan sur les 50 ans de gestion du pays. Les appréciations de ce rapport restent mitigées. Les uns l'encensent, tandis que d'autres le considèrent peu convaincant et remettent en cause son impartialité. Remarquons que ce qui est davantage remis en cause c'est le rapport de synthèse plutôt que les rapports individuels.

Au delà des remarques et des contestations, voire des remises en causes sur la forme, les qualifications, les appréciations de ce que furent tel ou tel type de gestion, de tel ou tel secteur, il convient de saluer les efforts et le travail accomplis. Car cela permet, tout au moins, une base de travail, de réflexion, de critique et de confirmation. 

I. 2. Quelle appréciation du rapport du cinquantenaire ?

Le travail du Groupe du cinquantenaire reconnaît expressément l'exclusion de régions entières. Force est de noter que l'objectivité, par moments, a tendance à se diluer au fur et à mesure que l'on passe des contributions individuelles aux rapports thématiques (ou rapport général), puis au rapport de synthèse.

Le rapport du groupe du cinquantenaire comporte indéniablement des concepts et principes fondamentaux (page 2 du rapport de synthèse) :

- « La destinée de notre pays est entre nos mains » ;

- « Les vertus du débat public sont inestimables » ;

- « Seule la pratique démocratique consolidée peut engager de manière irréversible notre pays sur les voies de la réussite ». 

Mais tout un chacun est-il convaincu par ces concepts ? Qu'en est-il de la pratique, des réalités ? Il faudrait dépasser le stade du discours idéologique et ne pas oublier la fragilité de la crédibilité et les difficultés à recouvrer la confiance. 

Le Maroc est-il réellement, comme l'affirme le RDH50, « en paix avec lui même et son passé » ? (page 3 du rapport de synthèse). Le Maroc a tant de défis à relever et à redresser. Il conviendrait d'éviter de telles formules et rester vigilant ; on ne peut sérieusement se permettre de telles affirmations.

* Prenons le secteur de l'enseignement et comparons-le à la situation du Maroc nouvellement indépendant. Certes, il y a plus de « diplômés » aujourd'hui qu'il y a 50 ans. Mais quelle est la qualité de l'enseignement dispensé ? Les diplômés de l'enseignement supérieur sont sans travail. En tout cas pour ce qui est des enfants du peuple. Car pour ceux des familles aisées et bien introduites en cour, le problème ne se pose pas. En matière d'éducation, d'enseignement et de formation, on peut affirmer sans risques de se tromper que le fiasco est total. 

* Prenons la rationalisation des choix budgétaires et la bonne gestion des deniers publics : là encore, le pays n'est pas mieux loti. Les journaux rapportent ici et là, à l'occasion, certains scandales financiers et politiques, qui ne sont que la partie visible de l'iceberg, La justice, quant à elle, demeure entièrement soumise aux ordres et l'indépendance du pouvoir judiciaire, bien que figurant en bonne place dans les principes fondamentaux du droit marocain, demeure de l'ordre du « devoir être », sans emprise réelle. Ceux-là qui, magistrats ou autres, souhaiteraient faire assurer ou respecter le règne de la loi, s'y risquent à leurs dépends. 

* Prenons d'autres exemples. La pauvreté est galopante. Les économies de rente tiennent le haut du pavé. Les privilèges se développent en faveur d'une poignée d'heureux. Le peuple et le petit peuple sont ailleurs. La société est une société à deux, sinon plusieurs vitesses. Les partis politiques ont perdu leur crédibilité. 90 % des jeunes ne croient pas en la politique. Les partis politiques se multiplient à l'infini. Les syndicats aussi perdent de leur crédibilité. Les militants qui souhaitent s'engager sérieusement le font dans l'associatif. Droits de l'Homme, associations de développement, moralisation de la vie publique... Encore que la gangrène est là qui les menace aussi. 

Ce qui est pour le moins paradoxal c'est qu'au début du siècle ce pays faisait l'objet de bien des convoitises de la part des colonies et des colons européens. Aujourd'hui, un grand nombre de nationaux souhaitent quitter le pays, et s'expatrier, souvent au péril de leur vie, dans les pateras et autres moyens d'infortune.

Les illustrations du sous-développement sont nombreuses. Peut-on, dès lors, se féliciter de ce qu'est le Maroc après 50 années d'indépendance politique ? Peut-on être fiers et dignes de notre réalité ?

I. 3. Des développements objectifs et des affirmations de complaisance 

Une lecture critique du rapport du cinquantenaire permet de faire la part des choses entre des développements objectifs, sans complaisance, et d'autres beaucoup plus contestables. 

Le titre même du rapport de synthèse semble, sinon réducteur, fort complaisant et ne reflétant guère la réalité. Le Maroc est-il un pays développé pour que l'on puisse parler de « 50 ans de développement », de surcroît « humain » ? Cela paraît assez osé ! On est en droit de se demander pourquoi de telles attitudes et affirmations pour un travail qui se veut objectif et scientifique ? Le peuple est ignorant, comme disait l'autre, et cela est sans impact sur ce qui le concerne. D'ailleurs, il ne croit que ce qu'il voit. Quant aux intellectuels dignes de ce nom et aux institutions étrangères, on ne la leur conte pas. A priori, un regard critique sur le titre du rapport induit le doute avant même d'avoir commencé à prendre connaissance du reste. 

Autant le rapport séduit par sa franchise, dans la plupart de ses développements et autant il peut être simple et aisé à lire, autant, à l'occasion, il déçoit par certains passages complaisants. 

I. 4. Les marginalisations et exclusions 

L'évolution des populations et régions marocaines n'est guère égalitaire et uniforme, mais plutôt fort disparate. Le potentiel humain du pays est loin d'être utilisé à bon escient et exploité comme il se devrait. La fuite des cerveaux, de la matière grise, est de plus en plus forte. Les diplômés, docteurs, ingénieurs et autres chercheurs formés au Maroc, en partie ou totalement, servent le développement des pays développés. Le Maroc aura dépensé inutilement des capitaux pour former des gens qui serviront ailleurs, faute d'être acceptés et reconnus dans leur propre pays. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, l'on invite  ceux qui sont à l'étranger à rentrer dans leur pays, alors que ceux qui y sont ne savent plus à quels saints ou diables se vouer.

Les potentialités économiques des régions sont-elles utilisées et exploitées comme il se doit ? Les différentes populations bénéficient-elles d'une redistribution équitable des richesses nationales ? Le système des soins est à plusieurs vitesses ; les systèmes de protection sociale sont aussi à plusieurs vitesses, voire absents. Le potentiel humain du pays est-il réellement et entièrement valorisé et exploité ? (voir la page 15 du rapport de synthèse). Qu'en est-il de la marginalisation des compétences, des mises au placard et autres voies de garages ?

Il faut se poser les vrais questions, mêmes et surtout quant elles fâchent, et y apporter des réponses sincères. C'est la seule façon d'évoluer positivement.

I.5. La sérénité et la complaisance 

Le RDH50 ne peut s'empêcher de légitimer le passé pourtant si critiqué également (voir la page 35 du rapport de synthèse) : « Avec le recul que confère la réflexion sur un demi siècle de développement humain, le pays peut regarder aujourd'hui son passé avec sérénité et envisager son avenir avec confiance ». 

Le rapport de synthèse fait mention d'un « peuple attaché à ses racines, à sa terre », (page 7 du rapport de synthèse), mais qui bien souvent a dû se déraciner pour survivre : exil, émigration... 

Le parachèvement de l'intégrité territoriale est-il complet, comme semble l'affirmer le rapport ? Qu'en est-il du Sahara, de Sebta, de Melilla ?... 

I.6. Des contrevérités historiques 

Au sujet des relations entre le protectorat et l'État marocain, des contrevérités historiques peuvent être relevées. Ainsi, contrairement aux affirmations du rapport de synthèse, le protectorat a permis l'émergence et la consolidation de l'État-Nation moderne marocain d'aujourd'hui ! Il serait plus exact de dire que le protectorat s'est transformé en une véritable colonisation du pays (page 7 du rapport de synthèse). 

Il ne peut être affirmé que tous les vestiges du passé ont fait l'objet d'une politique de préservation (voir le cas du Rif).

Qu'en est-il de l'appréciation idoine de ce que représente la réforme de la Moudouana, au regard de son impact réel sur la société, les mœurs, les usages ?

Qu'en est-il du désespoir, des suicides des immigrés, diplômés chômeurs ? Qu'en est-il, dès lors, de l'idée de « 50 ans de développement humain » ? 

Que vaut le pluralisme des partis politiques au Maroc ? Plutôt que de se féliciter du pluralisme des partis politiques, au Maroc, il faudrait s'en inquiéter.

I. 7. Une sérénité et un optimisme par ailleurs contredits

Des nœuds gordiens qui entravent le développement sont recensés par le RDH50. Mais quelles sont les solutions ? Qu'en est-il du plan d'action, de la vision pour sortir du sous-développement ? 

L'avenir est-il envisagé en confiance ? Qu'en disent les associations des droits humains ? La reconnaissance de l'exclusion de régions entières du développement est réitérée et ce sont précisément ces régions et populations marginalisées qui souffrent le plus de tous les maux.

I.8. Des euphémismes pour la mauvaise gouvernance : « Déficits de bonne gouvernance » 

Les rédacteurs du rapport ne peuvent s'empêcher d'utiliser des euphémismes. « En cours d'édification » : « solidité de l'État », « irréversibilité », « modernité », « crispations », « blocages par moments » ? ! C'est plus que du relativisme. Ou encore : « amélioration de la transparence des élections », « un mode de gouvernance qui se cherche encore ». La « décentralisation territoriale », a-t-elle aboutit ? Loin de là ! Le rapport fait mention des « nombreuses tentatives visant à définir une véritable régionalisation ». 

Différents « déficits » de bonne gouvernance sont relevés. Mais le RDH50 n'établit pas d'ordre d'importance parmi eux. L'obligation de rendre compte serait le premier, avec le corollaire de la responsabilité et des sanctions. Le rapport dialectique entre les différents nœuds est à relever : le savoir, l'économie, l'exclusion, le défaut de santé, la mauvaise gouvernance (défaut de participation, problèmes de planification, problèmes dans la décision, défaut de culture de l'évaluation, défaut d'accountability...).

I. 9. Les malversations

Il est souvent mis en avant le problème de la « corruption », au titre des malversations. C'est le cas du RDH50. Or, ce qui est le plus généralisé et aisé à démontrer et à prouver, ce n'est pas tant la corruption que la dilapidation des deniers publics.

En ce qui concerne la corruption (page 42 du rapport de synthèse), il est proposé une agence de lutte contre la corruption. Notons que la corruption est assez difficile à prouver. Tel que c'est présenté, cette agence aurait un rôle bien réduit : observer, étudier, proposer des solutions. Or, plutôt qu'une agence de lutte contre la corruption, il faudrait une agence de lutte contre la dilapidation des deniers publics, le détournement et la corruption.

I. 10. Un développement ou un sous-développement humain ?

À travers le rapport de l'IER et le RDH50 nous avons un témoignage, si ce n'est un aveu, du type de gouvernance du Maroc depuis l'indépendance. Les méthodes et objectifs suivis par l'IER et le groupe chargé du RDH50 sont différents. Mais, en dépit des nuances de forme que l'on a essayé d'introduire ici et là, la conclusion est finalement la même : on ne peut sérieusement affirmer qu'il y a eu durant ces cinquante dernières années une politique de développement humain dans notre pays. 

D'ailleurs, au delà du titre assez trompeur du RDH 50, la lecture tant du rapport général que du rapport de synthèse le montre bien.

II. LES LACUNES DU BILAN

II. 1. La lecture critique du travail de l'IER et du groupe du cinquantenaire 

Notons que le rapport remis par l'IER est indissociable de celui du RDH50 et que, tout travail n'étant pas parfait mais toujours perfectible, il ne faut pas s'étonner que des critiques fusent ici et là. Néanmoins, il convient à présent de ne pas s'en tenir à une simple critique. Toute critique doit être positive et constructive. Les critiques ne valent que si elles n'ont pas pour but la critique pour la critique. Peut-on valablement dire que les deux rapports ne valent rien? Bien loin de là! Néanmoins, l'accent peut être mis, en toute légitimité, sur les lacunes, incohérences, oublis et autres omissions volontaires ou involontaires.

II. 2. Les omissions et retranchements du rapport final de l'IER

Le rapport de l'IER comporte, plus que des oublis, des retranchements incompréhensibles qui ont pourtant été largement débattus. On ne peut que s'interroger sur le pourquoi de telles « omissions » volontaires. Sans s'arrêter sur le sort individuel de telle ou telle personne plus ou moins emblématique, victime des exactions et de la répression, une région, un pays tout entier, en l'occurrence le Rif, se retrouve réduit au silence. Du point de vue politique, c'est une erreur monumentale que de taire le Rif et de ne pas lui réserver la place qui aurait dû être la sienne dans le rapport de l'IER. Exclu du Maroc post-indépendant, le Rif a subi la marginalisation de tous les programmes de développement politique, économique, social...

Le diagnostic de ces décennies aurait dû en prendre compte. La marginalisation et l'exclusion auraient dû être mises en exergue de façon à en prendre conscience et à y remédier Or, au contraire, le Rif, une fois de plus, se retrouve exclu et marginalisé. Qui en porte la responsabilité ? Est-ce comme cela que l'on souhaite régler les problèmes hérités du passé ? Il est certain que « l'avenir se construit et que le meilleur est possible ». Mais encore faut-il savoir correctement ce que l'on a raté, au départ, afin de ne pas répéter les mêmes erreurs. Ainsi, aujourd'hui, du point de vue des droits de l'Homme et de la gestion sécuritaire du pays, est-on sûr de ne pas sombrer dans les mêmes erreurs que par le passé ? 

II. 3. Les malversations ne se réduisent pas à la corruption

Certes, les dysfonctionnements, malversations, dilapidations, détournements et autres pratiques illégales existent dans tous les pays de par le monde. Cependant, contrairement à ce qui passe au Maroc, l'indépendance de la justice dans les pays développés permet, en cas de crimes soupçonnés ou révélés, de faire respecter le droit et la justice et de prendre les sanctions idoines au crime commis.

II. 4. Les lacunes, dans le rapport du cinquantenaire, en ce qui concerne les droits de l'Homme

Il reste surprenant que, parmi les nœuds gordiens, le RDH50 ne fasse pas de place aux droits de l'Homme (page 25 du rapport de synthèse). Dans un rapport qui se veut de « développement humain », il est pour le moins étonnant que le volet des droits humains n'y figure pratiquement pas, si ce n'est en filigrane, caché et au travers de divers thèmes.

Que ce soit en matière de droits civils et politiques ou en matière de droits économiques, sociaux et culturels, tels que définis par les deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'Homme, quel est le bilan de ces 50 dernières années au Maroc ? Pourquoi s'embarrasser dans les rapports  de qualifications fallacieuses, en parfait désaccord avec la réalité ? Ne peut-on appeler les choses par leur nom, voire à défaut éviter de les qualifier ? D'autant plus que cela risque de conduire le débat sur de fausses pistes de sémantiques. Il y a eu des défaillances sérieuses, c'est ce que les deux rapports reconnaissent en dépit de tout.

Probablement que toutes les défaillances n'ont pas été relevées. C'est là où le débat peut être intéressant, afin de compléter ce qui a été oublié. De même que l'intérêt de ce débat tient à ce qu'il faudrait faire et comment le faire afin de réparer, de rattraper les retards, afin d'éviter que les défaillances se poursuivent, ou pire se développent. 

Il a souvent été glosé sur l'État de droit et l'état du droit d'une façon générale. Le problème est que, souvent, le droit a été réduit à son rôle idéologique et non perçu en termes de valeurs, principes fondamentaux et règles impératives de conduites auxquelles il ne devrait pas être dérogé. La place qui revient au droit dans notre pays est aujourd'hui bien accessoire. Le droit est considéré comme l'accessoire, souvent une contrainte qu'il faut ignorer voire violer à défaut de contourner. Le règne de la loi est bien loin. Notons que de surcroît ce même droit est à mains égards dépassé. Mais, ce n'est pas bien sûr pour cette raison qu'il n'est pas respecté.

CONSIDÉRATION FINALES ET PERSPECTIVES D'AVENIR

1. Des dangers qui guettent l'avenir du pays

L'absence de forces politiques sérieuses et crédibles est assez dangereuse et préjudiciable pour l'avenir du pays. Le clanisme, le clientélisme, le laisser-faire, le complot du silence peuvent avoir des revers et retours de manivelle désastreux. Les manipulations peuvent avoir des effets pervers.

Le règne du droit, l'État de droit, ne sauraient être de simples mots. L'autocensure, les rapports de complaisance, les complots du silence, les jugements de valeur, l'hypocrisie, la lâcheté et la bêtise dans la gestion de la chose publique et dans les prises de décisions sont des comportements qui minent l'avenir. Cet avenir que l'on veut meilleur et que l'on sait possible. 

2. Les pistes de réflexion du RDH50 pour les deux décennies à venir ?

Il faut aussi, à un moment, dépasser les pistes de réflexion. Le rapport parle de « pistes de réflexion pour les deux décennies à venir » (page 3 du rapport de synthèse). Cela voudrait-il dire que durant les deux décennies à venir on en sera encore à réfléchir sur les pistes à suivre ? Il ne saurait en être ainsi. Un projet de société, avec ses sous-projets, se construit in concreto sur la base de plans d'actions et de programmes d'exécution selon des calendriers précis, des moyens, des objectifs qualitatifs, quantifiables et mesurables, clairs, précis et affichés à la portée de tout un chacun, afin que toute personne puisse en faire le suivi. Étant précisé que des redressements sont toujours possibles et que rien n'est figé, ni définitif.

À la page 4 du rapport, un axe important aurait dû figurer parmi les thématiques abordées, à savoir la réforme du droit et des institutions [Voir Mimoun Charqi. « Aspects juridiques et pratiques d'une réforme du droit et des institutions, au Maroc », in : juridiconline.com].

3. Un scénario en attente de plans et programmes

Pour aller vers 2025, les paris d'un scénario dit souhaitable sont mentionnés de la page 35 à la page 40 du rapport de synthèse du cinquantenaire. Bien sûr, il n'est pas dit comment on pense pouvoir concrétiser ces paris. L'invitation au débat intervient en guise d'épilogue (pages 41 à 45 du rapport de synthèse.) Notons que l'invitation au débat aurait pu se faire avant la production du RDH50, de façon à ce que toute personne ou groupes intéressés puissent y participer.

Ainsi, des pistes sont proposées au débat. Or, il ne s'agit pas seulement de penser et de débattre de pistes à même de nourrir la réflexion des décideurs et acteurs politiques, mais, bien plus, de mettre en place les conditions et programmes afin d'atteindre les objectifs escomptés pour 2025. Il ne faudrait surtout pas que tout cela reste des considérations théoriques. Le danger est réel. Les risques sont grands et les changements doivent se faire. 

Il est fait mention, à la page 16 du rapport de synthèse, du projet de rénovation de l'éducation et de la formation et de la charte nationale. Mais pour quel résultat ? Il ne faudrait surtout pas que le projet de l'Agenda 2025 connaisse le sort de la charte nationale pour l'éducation et la formation. 

Il est proposé le principe du vote obligatoire afin de renforcer le sentiment d'appartenance nationale. Est ce là le problème ? Les gens iront voter lorsque la chose publique sera crédible. Il est proposé de limiter le cumul des mandats. Ne faudrait-il pas plutôt interdire le cumul de mandats ? Il est proposé un débat sur la réforme constitutionnelle ; alors qu'elle n'a que trop tardée.

Pour la bonne gouvernance il est proposé un organe « indépendant » d'évaluation des politiques publiques (voir la page 42 du rapport de synthèse).

Notons que, souvent, dans notre pays une priorité en chasse une autre. Les priorités deviennent, avec le temps, de véritables slogans creux. On se rappelle de l'État de droit, de la régionalisation, de la transparence, de la lutte contre la corruption, de la priorité du Rif, etc.

Dès lors que l'accent est mis sur les maux qui entravent le développement humain du pays, il faut mettre en place un plan, des programmes, des politiques et des moyens pour lutter contre ces maux.

L'un des intérêts du RDH50 est de présenter un scénario du Maroc de 2025 si rien ne se fait (page 32 du rapport de synthèse). Des objectifs sont proposés pour 2025 (pages 33 et suivantes du rapport de synthèse). Mais la question est de savoir comment faire pour tout cela ? Pour que ces objectifs soient atteints ? L'agenda 2025 devrait être autrement pensé et proposé. Le calendrier devrait être plus précis, dans sa progression, ses acteurs, ses moyens, ses objectifs... Il devrait être affiché sur le web et les évolutions et mises à jour mentionnées. Les objectifs du RDH50 sont nobles et ambitieux. Peut-être faudrait-il envisager qu'il y ait des sous-chantiers.

In fine, le développement humain en tant que choix de gouvernance et objectif à atteindre reste à penser et à mettre en œuvre.

Copyright : © 2006. Mimoun CHARQI. Tous droits réservés.

Mode officiel de citation : Mimoun CHARQI, « Bilan et perspectives du Maroc, après 50 années d'indépendance politique», 

http://CHARQI.blog4ever.com



[1] Ce texte est issu d'une communication faite au forum sur « Le développement humain : un choix de gouvernance », organisé par le Conseil consultatif économique, social et culturel, à El Jadida (Maroc), le 11 mars 2006.



11/05/2010
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