- Mimoun Charqi - ANALYSE POLITIQUE ET JURIDIQUE -

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ASPECTS JURIDIQUES & CONCRETS D’UNE REFORME DE L’ETAT & DES INSTITUTIONS, AU MAROC

ASPECTS JURIDIQUES & CONCRETS D’UNE REFORME

DE L’ETAT & DES INSTITUTIONS, AU MAROC

 

Traiter de la réforme de l’Etat et des institutions revient à se pencher sur la réforme du droit. L’exposé d’une réforme du droit, de l’Etat et des institutions peut se faire sous l’angle juridique, ou encore théorique, mais aussi également d’un point de vue et selon une optique concrète, pratique et opérationnelle. [Etant précisé que les deux approches sont complémentaires l’une de l’autre]. Ce seront les deux grands axes de ma communication.

 

I. Aspects juridiques d’une réforme de l’Etat et des institutions

Les aspects juridiques d’une réforme de l’Etat et des institutions conduisent à s’interroger sur l’état du droit, le rôle du droit, les actions à mener et selon quelles priorités et vision.

 

I.1. L’état et le rôle du droit

I.1.1. Un droit dépassé et à actualiser

Par définition, l’Etat et, au delà de l’Etat, l’Institution c’est le droit et, inversement, le droit c’est l’Institution. Le droit marocain a connu une très forte production de textes juridiques dès le début du protectorat. Toutefois, la frénésie quant à la production juridique s’est estompée, depuis longtemps, et c’est ainsi que le juriste peut relever, au point de vue de la forme, qu’un nombre impressionnant de textes encore en vigueur, font référence à des institutions qui n’existent plus depuis longtemps. L’économiste quant à lui, ou le politique pour ce qui le concerne ainsi que le philosophe, le défenseur des droits de l’homme et toutes catégories peuvent chacun par rapport à son domaine d’intérêt se rendre compte de ce que le droit en vigueur ne répond pas à ce qu’ils souhaitent, à leurs besoins, voire constitue une entrave et un frein au développement commercial, aux transactions économiques et financières, aux libertés publiques, etc., en quelques mots, au développement de la société. Aussi, sur le fond, bien souvent la réforme du droit peut être requise comme une nécessité.

 

I.1.2. Le rôle du droit : des dysfonctionnements à dépasser par le droit

Il ne s’agit pas seulement de reprendre et de réviser le droit pour lui même, mais également et surtout de façon et pour arriver à un dépassement des contradictions, des dysfonctionnements, des irrégularités, des lacunes et imperfections.

 

I.2. Les actions à mener, les priorités et la vision

I.2.1. Des recommandations pour l’actualisation du droit

Des travaux empiriques importants avaient été menés, il y a une dizaine d’années, par le ministère de la réforme administrative, qui avait pu recenser l’ensemble des textes dépassés et qu’il fallait amender. Cela est resté sans suite. La question qui se pose est de savoir qui doit se pencher sur ces modifications et les faire aboutir ? Le Secrétariat Général du Gouvernement probablement ! Le moins que l’on puisse dire c’est que cela fait un bien piètre effet pour un Etat de droit que de traîner des décennies durant dans son droit positif la référence à des institutions modifiées ou abrogées par d’autres textes. Lacunes et imperfections au demeurant surmontables. Ainsi, des recommandations seraient opportunes de façon à ce que les concernés soient sensibilisés.

 

I.2.2. Harmonisation, regroupement, simplification et codification du droit

Au delà des textes dépassés au point de vue de la forme, un grand nombre gagneraient à être regroupés sous forme de « Codes » alors qu’ils figurent sous forme de textes épars publiés à des dates différentes, souvent amendés à plusieurs reprises partiellement ce qui rend la tâche du justiciable, du juriste, du chercheur ou de toutes personnes intéressées extrêmement difficile. Je peux citer, pour exemple, les textes formant « code des sûretés », [sur lesquels j’ai eu à me pencher] et bien d’autres textes importants qui gagneraient à être regroupés, simplifiés, amendés, revalorisés…

 

I.2.3. Actualisation régulière du droit

Il importe de noter également, au point de vue de la forme, que la réforme du droit requiert des publications régulières, des travaux continus, d’être à l’écoute de l’évolution de la société et de ses besoins, d’avoir une jurisprudence accessible, des textes clairs et à la portée de tout un chacun.

 

I.2.4. Pourquoi l’actualisation du droit ?

Les rapports sociaux, qu’ils soient économiques, commerciaux, politiques, financiers, de travail, sociaux, institutionnels ou autres sont régis par du droit. Or, ce droit peut contribuer, selon le cas, au développement de ces mêmes rapports sociaux ou à leur maintien dans une situation de sous développement, en tant qu’entrave…

 

I.3. Comment et selon quelles priorités agir ?

I.3.1. Un travail participatif

Les différents partenaires, acteurs et opérateurs sociaux, économiques, politiques et autres, doivent être mis à contribution. Le préalable serait un modèle, une vison sociétale à définir avec ses grands principes et à partir de là recenser, d’une part, les textes en vigueur qui ne s’accordent pas avec ces grands principes, ainsi que, d’autre part, les dysfonctionnements de façon à y apporter les correctifs nécessaires ou dans le cas de lacunes juridiques éventuelles de façon à combler le vide juridique.

 

I.3.2. Des priorités à fixer

Des priorités sont probablement nécessaires à mettre en place. Nombreux sont ceux qui se plaignent de l’absence d’un texte régissant le droit de grève. Nombreux sont ceux qui se plaignaient et continuent à se plaindre de l’état de la législation du travail. Sans parler de la Moudouana [avec les passions qu’elle a pu déchaîner chez les uns et les autres], le droit et la procédure judiciaire, la bonne gestion des deniers publics…

 

I.4. La nécessité d’une vision

En somme, toute réforme du droit et des institutions requiert nécessairement et préalablement la définition d’une vision précisant ce que sont les grands principes de base et les buts et objectifs recherchés, car les réformes peuvent être plurielles A titre d’exemple, la 2e chambre semble être un blocage et une entrave au développement du droit. Le travail même fait au sein des commissions pour l’adoption de tel ou tel texte peut être contestable et contesté lorsqu’un nombre minima de députés n’est pas réuni et que le projet passe quand même. Ainsi, un quorum devrait probablement être mis en place. Le respect du droit par les rouages et institutions de l’Etat lui même est une condition sine qua non pour un véritable Etat de droit. Il est inconcevable de relever que des principes essentiels, clairement définis et établis dans les textes, tel que, par exemple, celui de la présomption d’innocence, des conditions requises pour la détention préventive, l’indépendance de la justice, et bien d’autres, soient ignorés dans les faits et au regard de la pratique. Il est paradoxal que le principe de l’égalité des droits entre les citoyens soit bafoué et ignoré superbement, que l’indépendance de la justice et l’autonomie des magistrats soient des principes sans emprise réelle au regard des usages et pratiques, que la protection des deniers publics, la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption soient des règles bien plus théoriques que pratiques, que les libertés publiques et fondamentales ne soient que de vains mots, que le droit au travail soit du devoir être, que l’égalité des chances ne soit pas réelle, etc.

 

II. Aspects concrets et opérationnels pour une réforme de l’Etat et des institutions

Tel que précité, les réformes peuvent être plurielles et antinomiques, selon les optiques politiques, sociales, économiques et autres recherchées. D’où l’intérêt quant à la définition de la vision et des principes et règles essentiels devant motiver le(s) type(s) de réforme(s) souhaitée(s). Mais avant d’en venir à ce que sont, à titre indicatif, les expériences étrangères et, ensuite, à ce qui pourrait être fait pour ce qui nous concerne, il convient préalablement de voir quelques questions liminaires à régler.

 

II.1. Des questions à régler

Différents départements ministériels et institutions publiques travaillent sur des projets de textes qui tardent à sortir du S.G.G. Pourquoi ? Différents projets de textes sont soumis pour confection à des juristes étrangers alors que le pays regorge de potentialités. Les parlementaires quant à eux sont à l’origine de propositions de lois (en nombre réduit). Ont-ils tous les moyens humains, matériels, techniques et autres pour mener à bien leurs propositions ? Probablement qu’il convient de se pencher sur cet aspect des choses. Nombres de textes végètent au S.G.G parce que leur mise en forme juridique laisse à désirer et que le S.G.G doit reprendre cela pour l’essentiel. Nombre de textes sont voués à l’échec car ne répondant pas aux besoins, contraintes et réalités des rapports sociaux du moment. Le droit est certes structurant mais de façon relative ; car comme cela a été dit « on ne change pas la société par décret ».

 

II.2. Généralités sur les expériences de réformes étrangères

Les expériences étrangères ont montré que, par exemple, sur la question des « dépenses abusives de l’Etat », il a été possible d’avoir des « gains de productivité », des « gains globaux » considérables par rapport aux objets initiaux de la réforme. Les expériences menées par d’autres pays au sujet de la réforme de l’Etat sont riches en enseignements. On y retrouve des réformes qui portent sur l’administration ou même d’une façon plus globale sur l’Etat et les différents services publiques qui y sont rattachés, ainsi que des actions de la société civile au bénéfice de la réforme du droit.

 

II.2.1. La réforme de l’administration

Souvent la réforme de l’administration s’apparente à l’introduction des NTIC et leur maîtrise par les agents : « un passeport informatique et Internet » (Sic). Elle passe également par « la formation continue» (sic), des « actions interministérielles et inter régionales de formation continue » (sic), sur des thèmes divers tels que : « les conséquences sur la gestion publiques de la réforme budgétaire », «l’administration électronique pour construire le service public de demain », « l’égalité homme/femme », « le harcèlement moral », etc. En France, il a été mis en place un forum sur le web, au sujet de la réforme de l’Etat, qui recueille les doléances et suggestions en ce qui concerne le fonctionnement des services publics de l’Etat. Les NTIC sont ainsi au service de la réforme de l’Etat.

 

II.2.2. La réforme de l’Etat et des institutions publiques

Au delà de la réforme de l’administration, en Suisse, la réforme de l’Etat a été précédée d’un audit qui a permis par la suite de retracer les dysfonctionnements et de proposer des pistes de redressement. Ainsi, au delà de la vision et des principes de base, la réforme de l’Etat et des institutions suppose de savoir ce qu’il en est exactement de l’état des lieux. C’est ainsi qu’il est procédé à un audit et à un contrôle général de tous les services publics et institutions dépendant de l’Etat. Avec, pour résultat, des constats, analyses et recommandations. Puis ensuite, un plan d’action détaillé avec des pistes de réforme concrètes qui aboutissent sur des projets de lois. Les pistes poursuivies sont : la justice, la santé, la politique sociale, la formation et l’éducation, l’aménagement du territoire, la sécurité, le transport, l’environnement, les affaires économiques et commerciales, l’emploi, l’information et la communication, etc. Aussi, peut-il être question du rôle de l’Etat, du fonctionnement du gouvernement, de l’organisation de l’administration, des dépenses abusives, etc. A titre d’exemple, les principes retenus pour la construction de la réforme de l’Etat sont :

            - la cohérence : harmonie des règles appliquées aux différents services de l’Etat, sociétés mixtes, offices,… [statuts, traitement, droits et obligations];

                  - la déconcentration et l'autonomie ;

                  - La démocratie.

Pour le respect de ces principes, divers axes sont retenus :

                  - une politique du personnel fondée sur la responsabilisation et la participation ;            

                  - la mobilité professionnelle ;

                  - la formation et le perfectionnement professionnels ;                        

                   - la réforme de la méthode d’évaluation des fonctions ;

                   - la promotion de l’égalité homme/femme ;

                   - la protection de la personnalité ;

                   - la santé du personnel ;

                   - les outils de gestion ;

                    - etc.

 

II.2.3. Actions de la société civile

Au Canada, l’ABC (association du barreau canadien) participe de façon active à l’élaboration des politiques gouvernementales et à la réforme du droit, et ce :

           - au moyen d’actions de lobbying au sujet de questions jugées importantes ;

            - en répondant aux initiatives du gouvernement.

Le point de vue de l’ABC est exprimé au parlement par le biais de mémoires écrits, de comparution devant les comités parlementaires, de réunions informelles entre la présidence de l’ABC et le ministre de la justice ou même par des consultations entretenues entre l’ABC et le ministre de la justice…

 

II.3. Quelle réforme pour le Maroc ?

Toute réforme doit répondre et correspondre à l’état de l’évolution de la société pour être viable. Avant d’en venir à s’interroger sur la façon de faire, e selon quelles pistes et principes, il convient de se pencher sur les acteurs de la réforme.

 

II.3.1. Les acteurs de la réforme

 La mise en œuvre de la réforme suppose une mobilisation et un engagement avec la consultation des partis politiques, de la société civile, la concertation avec les départements ministériels, les partenaires sociaux, des acteurs et opérateurs économiques, les experts, et ce, de façon à aboutir à des réformes politiques et à la moralisation et modernisation de l’administration. Mais, il convient de s’interroger sur qui du gouvernement et/ou du parlement devrait(ent) mener, initier une telle réforme ? Prévoir une loi de façon à lancer le processus de la réforme de l’Etat et des institutions ? [Il faut voir à ce sujet les domaines de compétence au regard de la constitution].

 

II.3.2. Comment procéder ?

Faut-il dépoussiérer les nombreux audits faits par les institutions financières internationales ?, les cabinets d’audit ?, etc. Ou faut-il de nouveaux audits via un cabinet spécialisé ou une institution nationale publique ad hoc ? Il s’agit là d’un choix, sur lequel il faudrait se pencher. Tout cela suppose, le moment venu un organigramme, une organisation, pour savoir qui fait quoi ? Et quels sont les différents intervenants ? S’agissant du suivi et aux fins d’une bonne visibilité, des tableaux de bords sont conçus en tant qu’outils, instruments, indispensables au pilotage de la réforme, à l’information et à la communication. La réforme de l’Etat et des institutions est un projet ambitieux à moyen et long terme. Aussi, faudrait-il s’y atteler sans tarder.

 

II.3.3. Les pistes qui pourraient être retenues

Les pistes qui pourraient être retenues peuvent être les suivantes : la mise à niveau de l’économie, les grands chantiers d’infrastructures, la recherche-alphabétisation-formation, le développement durable, la protection de l'environnement et l'écologie, le social et la santé, le développement culturel, l'autonomie des régions, l'enseignement… Ces différents axes sont en plein centre de la question de la réforme de l’Etat et des institutions.

 

II.3.4. Les principes et les axes de concrétisation qui pourraient être retenus

Pour ce qui concerne notre pays, on pourrait prévoir les principes suivants :

              1. la démocratie.

              2. La régionalisation et la déconcentration.

              3. La moralisation.

Tandis que pour la mise en place de ces principes, il pourrait être retenu les axes suivants :

                - l’indépendance réelle et effective de la justice et l’autonomie des magistrats ;

                - la protection de la personnalité de l’individu ;

           - la promotion de l’égalité des chances entre les ressortissants et entre les hommes et les femmes ;

               - la formation, le perfectionnement professionnels et la promotion des NTIC ;

               - la rationalisation des dépenses budgétaires et la bonne gestion des biens et deniers publics ;

               - la promotion des outils de gestion des ressources humaines, matérielles et financières ;

               - la négociation, le dialogue social et la gestion des conflits ;

               - l’organisation et la gestion du temps ;

               - Etc.

 

A bon entendeur salut

 

                   Copyright 2006. Mimoun CHARQI

Mode de citation : Mimoun CHARQI. "Aspects juridiques et concrets d'une réforme de l'Etat et des institutions". http://charqi.blog4ever.com

 



12/05/2010
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